On se preparait doucement a partir, une petite annonce par ci, une petite annonce par la, il ne reste plus qu'un mois pour tout emballer, vendre, dire aurevoir ...
Je me leve lundi matin en ne sachant pas qu'il ne me reste plus que deux jours en Californie, que quelques heures plus tard un coup de fil bouleversera tout. Tout d'abord un message angoisse sur mon repondeur. Aie il est arrive quelque chose, je le sens, j'ai des nausees rien que d'y penser, un truc ne tourne pas rond. Pour finir j'arrive a obtenir la communication, mon frere m'explique tres vite, je me retiens, ne pas hurler, attendre, attendre encore un peu, il est si fragile lui aussi.
Je raccroche, je pleure, je pleure toutes ces annees ou je me suis refusee de pleurer une larme de + pour elle, elle ma mere, cette mechante dame qui a pris possession du corps de ma tendre maman qui un jour a decide qu'elle en avait marre, marre de vivre, marre de se sacrifier, juste envie de se detruire elle et son entourage. Dur a accepter cette nouvelle femme colerique qui vous repousse, qui vous dit qu'elle ne vous aime pas, qu'elle veut qu'on lui foute la paix, qu'on la laisse seule, qu'elle ne veut pas qu'on l'aide, que c'est son probleme, qu'elle ne veut plus vivre. Que faire? Souffrir et encore souffrir et puis renoncer pour se proteger, vivre sa vie et prendre ses distances pour garder un certain equilibre, prendre du recul et surtout ne plus pleurer, accepter. C'est dur mais c'est plus facile de subir que d'affronter, finalement ca nous convient a toutes les deux, elle boit, elle delire, je fais comme si c'etait normal, j'accepte avec difficulte cette nouvelle mere et je fais le deuil de ma mere folklorique, intelligente, dynamique et rigolote. Je vie ma vie, elle detruit la sienne, rien a faire d'autre, trop de souffrances.
Il y a eu quelques lueurs d'espoir, des sois disant bonnes volontes d'arreter, quelques reprises d'esprit mais ca ne durait pas longtemps, un petit delirium tremens et hop c'est reparti pour un tour. Donc voila deux enfants livres a eux memes, je suis plus agee que mon frere qui lui avait encore besoin de sa maman mais on s'y fait, on grandit et on essaye d'etre heureux mais avec toujours cette ombre noire, cette mere qu'on essaye de ne pas trop regarder, qui se deteriore, qui sent bizarre, qui rigole quand il ne faut pas, qui se fache quand il ne faut pas. Pas facile...mais apres avoir tout essayer il ne reste plus grand chose comme solution.
Et puis hier ce coup de fil. Maman est a l'hopital, elle a glisse dans le jardin et est tombee sur le crane, elle n'a pas de sequelles mais ils l'ont gardee, ils veulent la sevrer, la desintoxiquer, elle ne veut pas, elle a arrache ses baxters, a couru dans les couloirs et est rentre a pied en titubant chez elle. La police est venue la chercher, ils l'ont ramenee a la clinique, on lui a dit "Madame soit vous cooperez, soit c'est l'hopital psychiatrique".
Voila les nouvelles que je recois un lundi matin ensoleille...mon frere m'explique que ca s'est passe il y a 3 jours mais qu'il ne voulait pas gacher mon anniversaire...(!) Ensuite coups de fils avec toute la famille. Ouf ca va mieux, elle coopere, elle a enfin prononce le mot "alcoolisme", elle a arrete de se debattre et elle se laisse soigner. Et donc voila, j'ai precipite mon retour, j'ai pris mon billet d'avion, je pars demain matin, je suis angoissee mais heureuse, tout ca est finalement tres positif, elle peut s'en sortir. Hier je l'ai appelee, j'apprehendais ce coup de fil, combien de fois ne m'a t'elle pas rejetee!
Elle a pleure, elle etait tres emue de m'entendre comme si je ne l'avais plus vue depuis 10 ans et finalement c'est ca, elle est enfin sortir de sa torpeur, de 10 ans d'alcoolisme profond. Ils lui ont fait un traitement de choc, c'est loin d'etre fini, il va falloir beaucoup de patience, d'amour et moi je pleure, je n'arrete plus de pleurer tellement je suis emue de retrouver ma petite maman qui m'a tellement manque, que j'aime tellement. Rien que sa voix etait differente, plus cette voix rauque et agressive, non une jolie voix d'une femme magnifique de 50 ans. Mais j'ai peur, peur des rechutes, peur qu'elle recraque, peur que tout cela ne soit que temporaire. Ils veulent deja la laisser sortir jeudi, c'est trop tot! Mais on va trouver une solution, une cure, une therapie et puis je serai la, je ne la lache plus. Je me reinstalle a la maison jusqu'a que je sois sure qu'elle soit forte, j'attends le retour de mon amoureux qui doit tout empaqueter tout seul le pauvre et ensuite je reprends ma vie mais avec elle cette fois-ci... Je vais enfin passer du temps avec ma maman et je suis heureuse.